Aller au contenu

Objet : Pas de subventions pour l’amélioration de la production pétrolière

À: Chrystia Freeland, Vice-première ministre et ministre des Finances
Cc: Jonathan Wilkinson, Ministre de l’Environnement et du Changement climatique
Seamus O’Regan, Ministre des Ressources naturelles
François-Philippe Champagne, Ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Objet : Pas de subventions pour l’amélioration de la production pétrolière

Madame la Ministre Freeland,

Le gouvernement du Canada est confronté à des décisions importantes concernant notre cheminement vers la carboneutralité. En tant qu’organisations environnementales et sanitaires de premier plan, notre vision d’un climat sain est axée sur une décarbonisation rapide et profonde de l’économie ainsi que sur une transition vers un avenir juste, équitable et durable. La voie que nous empruntons est un choix de société, comportant des implications majeures pour l’équité intergénérationnelle, la justice sociale et économique, les droits d’utilisation des terres, l’accès à l’énergie, le développement durable et notre efficacité dans la décarbonisation de notre économie.

Au nom de 47 organisations représentant 2 millions de personnes au Canada, nous vous écrivons pour exprimer notre opposition collective à l’introduction d’une nouvelle politique fiscale visant à étendre les subventions pour la récupération assistée du pétrole (RAP ou enhanced oil recovery en anglais)1. Plus précisément, le Forum sur l’avenir énergétique – un partenariat qui regroupe la plupart des grandes compagnies pétrolières du Canada – a fait pression pour obtenir une nouvelle taxe fédérale équivalente au crédit d’impôt 45Q aux États-Unis.2 L’article 45Q prévoit un crédit d’impôt basé sur la performance pour les centrales électriques et les installations industrielles qui capturent et stockent le CO2 qui serait autrement émis dans l’atmosphère. Selon ce plan, les entreprises peuvent obtenir 35 dollars américains par tonne de CO2 capturée et utilisée pour la récupération assistée du pétrole.

La RAP encourage l’expansion de la production de combustibles fossiles 

Malgré un vernis vert, un tel crédit d’impôt pourrait entraîner un manque à gagner important et générer plus d’émissions que de captation de carbone.3 Puisqu’il serait plus rentable pour les centrales électriques et les installations industrielles de vendre le CO2 capturé aux compagnies pétrolières pour l’utiliser dans l’extraction que de séquestrer directement leurs émissions, cette mesure inciterait principalement l’extraction du pétrole. En fait, les compagnies pétrolières se tournent vers la RAP pour augmenter leur production – et la plus grande dépense dans les opérations de RAP est le CO2.

L’analyse du crédit d’impôt américain 45Q a montré qu’il pourrait entraîner une augmentation d’au moins 400 000 barils par jour de la production de pétrole aux États-Unis en 2035 grâce à la RAP. Cela se traduirait par 50,7 millions de tonnes d’émissions nettes de CO2 par an – et peut-être bien plus. De plus, la seule partie de la loi qui bénéficie uniquement à l’industrie pétrolière pourrait coûter aux contribuables américains jusqu’à 2,8 milliards de dollars par an.4

Nous nous opposons à ce que des fonds publics soient alloués à une technologie conçue pour prolonger la durée de vie des installations de combustibles fossiles et extraire davantage de pétrole. L’injection de CO2 dans les gisements de pétrole vieillissants pour augmenter la production a permis de prolonger la durée de vie de certains sites de plus de 25 ans.5 Les preuves que la RAP est un tremplin vers un plus grand déploiement de la technologie de capture du carbone (une affirmation avancée par de nombreux partisans des subventions de la RAP) sont douteuses.67 Bien que la RAP soit rentable pour l’industrie des combustibles fossiles – et c’est pourquoi le Forum sur l’avenir énergétique fait pression pour obtenir une subvention permettant de pomper plus de pétrole – elle ne constitue pas une stratégie gagnante pour le climat.

L’industrie des combustibles fossiles a tenté de manipuler le crédit 45Q aux États-Unis

Les organisations environnementales des États-Unis ont fait part de leurs inquiétudes concernant l’article 45Q. L’industrie des combustibles fossiles a tenté de contourner le crédit d’impôt aux États-Unis où 87% du total des crédits demandés, s’élevant à près d’un milliard de dollars américains, se sont avérés non conformes à l’Environmental Protection Agency, selon une enquête de l’Internal Revenue Service.8

Entre-temps, les grandes compagnies pétrolières ont fait pression avec succès contre les exigences de surveillance, de déclaration et de vérification. Un manque de transparence rend impossible de savoir quelles compagnies ont réclamé des crédits et dans quelle mesure.9

Encore une autre subvention inefficace pour les combustibles fossiles

En abaissant le coût de production pour l’industrie pétrolière, le crédit d’impôt augmente les bénéfices des compagnies pétrolières et favorise l’expansion de la production de combustibles fossiles. Le Canada est déjà en train de manquer à son engagement d’éliminer les subvention inefficaces aux combustibles fossiles. Cette politique ajouterait encore une autre subvention des contribuables à l’industrie pétrolière et gazière. Qui plus est, le Canada a déjà mis en place une politique solide pour encourager la capture et le stockage du carbone : le prix proposé sur le carbone de 170 dollars la tonne, une mesure bien accueillie par la communauté internationale.

Ce crédit d’impôt serait une victoire pour l’industrie des combustibles fossiles, mais aurait un impact négatif certain sur la crédibilité climatique du Canada au niveau mondial. Cette mesure serait perçue par le public comme une perte pour le climat, pour les contribuables et pour les communautés locales vivant dans l’ombre des infrastructures de combustibles fossiles.

Cordialement,

Julia Levin, Environmental Defence Canada 
Keith Stewart, Greenpeace Canada
John Noël, Greenpeace USA 
Tzeporah Berman, Stand.earth
Anthony Swift, Natural Resources Defense Council
Teika Newton, Climate Action Network – Réseau action climat Canada 
Émile Boisseau-Bouvier, Équiterre
Jesse Cardinal, Keepers of the Water
Anjali Helferty, Canadian Association of Physicians for the Environment
Fiona Koza, Amnesty International Canada
France-Isabelle Langlois, Amnistie Internationale Canada
Bronwen Tucker, Oil Change International
Cam Fenton, 350.org
Christina Warner, Council of Canadians – Le Conseil des Canadiens
Catherine Gauthier, ENvironnement JEUnesse
Hadrian Mertins-Kirkwood, Canadian Centre for Policy Alternatives
Maggie Chao, Leadnow
Tom Green, David Suzuki Foundation
Peter McCartney, Wilderness Committee
Adam Scott, Shift: Action
Toby Sanger, Canadians for Tax Fairness
Andrew Gage, West Coast Environmental Law
David Cooper, Alberta Liabilities Disclosure Project
Montana Burgess, West Kootenay EcoSociety
André Bélisle, AQLPA Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique 
Rosalie Thibault, Coalition Étudiante pour un Virage Environnemental et Social (CEVES)
Pascal Bergeron, Environnement Vert Plus
Karri Munn-Venn, Citizens for Public Justice
Eva Garofalo, My Sea to Sky
Mitchell Beer, Energy Mix Productions 
David Erb, Protect Our Winters Canada
Rébecca Pétrin, Eau Secours
Mark Bigland-Pritchard, Climate Justice Saskatoon
Katherine Smail, Glasswaters Foundation
John Nathanie Gertler, La Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES)
Lucie Massé, Action Environnement Basses-Laurentides
Amelia Rose Khan, Toronto350
Sylvia Obrig, Our Lady of Sion
Stefan Hostetter, Green Majority
Kim Perrotta, Canadian Health Association for Sustainability and Equity (CHASE)
Niovi Patsicakis, Global Peace Alliance BC Society
Susan Abells, Basic Income BC
Angela Bischoff, Ontario Clean Air Alliance
Bruno Detuncq, Regroupement Vigilence Hydrocarbures Québec
Bill Woolverton, Canadian Unitarians for Social Justice
Jessica Spencer, Extinction Rebellion New Brunswick
Baijayanta Mukhopadhyay, People’s Health Movement Canada/Mouvement populaire pour la santé au Canada

__________

1 La RAP désigne le processus d’injection sous terre de CO2 préalablement capté afin d’extraire du pétrole et du gaz qui seraient autrement inaccessibles. La RAP pourrait être décrite comme une stratégie de capture et de rejet du CO2, dans laquelle le CO2 capté est utilisé pour récupérer des ressources de combustibles fossiles qui seraient autrement restées sous terre et qui, une fois brûlées, libèrent du CO2 dans l’atmosphère.
2 Public Policy Forum (July 2020) Carbon Capture, Utilization and Storage: It’s Time to Act. Online: https://www.newswire.ca/news-releases/carbon-capture-utilization-and-storage-it-s-time-to-act-813263831.html
3 Climate Action Network International (2021) Position: Carbon Capture, Storage and Utilisation. Online: https://climatenetwork.org/wp-content/uploads/2021/01/can_position_carbon_capture_storage_and_utilisation_january_2021.pdf
4 Oil Change International (2017) Expanding Subsidies for CO2-Enhanced Oil Recovery: A Net Loss for Communities, Taxpayers, and the Climate. Online: http://priceofoil.org/content/uploads/2017/10/45q-analysis-oct-2017-final.pdf
5 IHS Energy (2016) CO2 EOR Potential in North Dakota. Online: https://www.legis.nd.gov/files/committees/64-2014%20appendices/IHS%20Energy%20-%20Final%20Report.pdf
6 Sekera, J., Lichtenberger, A. (2020) Assessing Carbon Capture: Public Policy, Science, and Societal Need. Biophys Econ Sust 5, 14 Online: https://doi.org/10.1007/s41247-020-00080-5
7 US Department of Energy (2010) CO2-Driven Enhanced Oil Recovery as a Stepping Stone to What? Online: https://www.pnnl.gov/main/publications/external/technical_reports/PNNL-19557.pdf
8 Inspector General for Tax Administration (April 2020) Department of Treasury Letter. Online: https://www.eenews.net/assets/2020/04/30/document_gw_07.pdf
9 Kusnetz, N. (September 2020) Exxon Touts Carbon Capture as Climate Fix, but Uses it to Maximize Profit and Keep Oil Flowing. Inside Climate News. Online: https://insideclimatenews.org/news/27092020/exxon-carbon-capture/

Étiquettes: