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Nous avons une loi sur l’assurance-médicaments !

Aujourd’hui, nous célébrons une grande victoire du pouvoir populaire ! Le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi sur l’assurance-médicaments qui jette les bases d’un système universel à payeur unique qui couvrira en premier lieu la contraception et les médicaments contre le diabète.

Pendant trop longtemps, de riches entreprises ont fait obstacle à la mise en place d’un régime d’assurance-médicaments public. Ce régime est un affront au pouvoir des industries pharmaceutique et de l’assurance et à leurs efforts de plusieurs décennies pour paralyser l’assurance-médicaments au Canada. Le régime prévu par ce projet de loi est un bon début qui devra être élargi pour pourvoir pleinement aux besoins de la population canadienne et réaliser toutes les économies possibles grâce à l’achat de médicaments en vrac.

Cette analyse présente les éléments de cette législation, ce qui pourrait être amélioré, les prochaines étapes et l’impact qu’elle aura sur les personnes, les patient(e)s et nos mouvements. 

Qu’est-ce que le régime? 

ette législation (que vous pouvez lire ici) prévoit un régime d’assurance-médicaments universel, à financement public, à payeur unique, qui couvrira deux grandes catégories de médicaments, à savoir les médicaments et les dispositifs pour le diabète et les contraceptifs. Le régime offrira une couverture « au premier dollar » à tous(toutes) les Canadien(ne)s titulaires d’une carte d’assurance-maladie. Autrement dit, il n’y aura pas de frais à la charge du(de la) patient(e), pas de seuil de revenu et pas de conditions d’admissibilité restrictives. Contrairement au régime canadien de soins dentaires, il sera administré par l’État dans le cadre des régimes provinciaux existants, et non par une compagnie d’assurance privée.

Ces informations sont globalement conformes à ce qui a été divulgué la semaine dernière lors de l’annonce de l’accord. Il s’agit d’une réplique majeure aux grandes sociétés pharmaceutiques et au secteur de l’assurance, qui faisaient pression sur le ministre de la Santé et ses collaborateurs(collaboratrices) pour ainsi dire au quotidien. Ces grandes sociétés souhaitaient un régime qui ne serait ni universel, ni public, ni à payeur unique. Elles ont perdu sur les trois tableaux.

La législation prévoit également des mesures visant à étendre la couverture des médicaments essentiels et à mettre au point un plan d’achat en vrac, dans un délai d’un an à compter de l’adoption de la loi sur l’assurance-médicaments.

Elle prévoit aussi la création, dans un délai de 30 jours suivant la sanction royale, d’un comité chargé de présenter des options pour le financement et le fonctionnement d’un régime d’assurance-médicaments national, universel et à payeur unique. Il s’agit d’un groupe de cinq membres qui sera constamment impliqué dans la mise en place du régime.

Qu’est-ce que cela signifie pour les personnes qui ont besoin de médicaments contre le diabète et de contraceptifs? 

Lorsque ce régime entrera en vigueur, et que les gens pourront obtenir ces catégories de médicaments gratuitement, cela changera leur vie. 

Selon Statistique Canada, le Canada compte 3,7 millions de diabétiques et la gestion de cette maladie peut coûter plus de 18 000 $ par année. Cela est dû au coût élevé des dispositifs nécessaires pour vérifier le taux de glycémie et administrer de l’insuline, ainsi qu’à la montée en flèche du coût de l’insuline et d’autres médicaments. Ce régime couvrira à la fois les médicaments et les dispositifs.

« Nous entendons beaucoup parler de la crise de l’insuline aux États-Unis, où des gens meurent parce qu’ils(elles) n’ont pas les moyens d’acheter de l’insuline et n’ont pas accès aux dispositifs destinés au diabète. Nous supposons que ce n’est pas le cas ici » a écrit Rebecca Redmond, une défenseure atteinte de diabète T1 qui était une panéliste lors de notre assemblée publique sur l’assurance-médicaments, à London. « Il n’y a rien de moins vrai ».

Le prix des médicaments et des dispositifs augmentant année après année, l’assurance-médicaments fera une énorme différence pour des millions de personnes comme Rebecca qui vivent avec le diabète. « Tous(toutes) les Canadiens et Canadiennes méritent de se sentir en aussi bonne santé que possible, ce qui implique un accès universel aux médicaments et aux dispositifs ».

Pour les personnes qui ont besoin de contraceptifs, l’autonomie en matière de santé sexuelle et reproductive est une étape essentielle vers la justice de genre et la liberté personnelle. Le fait de pouvoir accéder aux pilules contraceptives, aux anneaux, aux patchs, aux dispositifs intra-utérins et à la contraception d’urgence, indépendamment de son statut professionnel ou de ses revenus, et sans dépendre du régime d’assurance de son partenaire, constituera une amélioration incroyable dans la vie de près de neuf millions de personnes – les femmes cis et trans et les personnes non conformes au genre.

Que faut-il améliorer ou développer? 

La législation fait référence à la Loi canadienne sur la santé et qualifie explicitement l’assurance-médicaments de « publique, universelle et à payeur unique ». Le fait qu’elle soit administrée par l’État est positif. Mais, comme nous l’avons fait remarquer dans notre analyse précédente, passer par les provinces est une arme à double tranchant.

Le déploiement de l’assurance-médicaments dépendra en partie de la bonne volonté des provinces de négocier rapidement des accords de financement. Alors que le Manitoba, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve ont manifesté leur intérêt, l’Alberta et le Québec ont indiqué qu’ils chercheraient à se retirer du système, avant même d’avoir pris connaissance de la législation.

L’engagement de la législation en faveur d’un modèle universel à payeur unique n’est pas étanche, du moins lorsqu’il s’agit d’ajouter des médicaments au régime, au-delà de ceux contre le diabète et des contraceptifs. Les intervenants de l’industrie pharmaceutique et de l’assurance tenteront sans aucun doute d’affaiblir ce libellé ou d’en pervertir les principes.

Par exemple, le projet de loi stipule que l’assurance-médicaments doit être conçue « en tenant compte » de la Loi canadienne sur la santé. Ce n’est pas un terme juridique très fort et il laisse la possibilité que les principes de la Loi canadienne sur la santé – universalité, financement public et soins complets – soient mis de côté à l’avenir.

La législation prévoit la mise sur pied d’un comité d’expert(e)s chargé de présenter des options pour « le fonctionnement et le financement d’un régime d’assurance-médicaments national, universel et à payeur unique ». La composition de ce comité aura une grande importance, car il est probable qu’il exercera un contrôle à long terme sur le régime. Si ces membres ont à cœur de servir la population et d’améliorer l’accès aux médicaments, c’est bien. Mais, si des représentant(e)s de l’industrie siègent à ce comité, il pourrait être difficile de garantir que ce régime soit aussi solide que possible à l’avenir.

Quelles sont les prochaines étapes?

Nous continuerons à faire pression pour obtenir le meilleur régime d’assurance-médicaments possible dans le cadre du processus législatif. Le projet de loi vient tout juste d’être présenté, il y a donc plusieurs étapes et points d’intervention à franchir avant qu’il ne reçoive la sanction royale. Tout au long de ce processus, nous nous efforcerons de resserrer le libellé afin de renforcer le régime et de garantir l’expansion du modèle à payeur unique.

Il est important que nous nous efforcions d’obtenir le plus rapidement possible du financement pour les médicaments contre le diabète et les contraceptifs afin que les gens puissent commencer à bénéficier de l’assurance-médicaments. Aujourd’hui, le ministre Holland a déclaré que la couverture de ces deux catégories de médicaments coûterait environ 1,5 milliard de dollars, ce qui ne représente même pas un demi pour cent du budget fédéral. Nous savons que les prix des médicaments sont trop élevés, que les gens souffrent dans tout le pays et qu’ils(elles) ne peuvent plus attendre. Nous savons aussi que cette législation est fragile et que c’est sa mise en œuvre et son extension qui la rendront forte. Une fois que les gens commenceront à recevoir leurs médicaments gratuitement, ils(elles) ne voudront plus se voir retirer cet avantage.

Cette victoire est preuve que les mouvements sociaux peuvent obtenir des gains réels  

l s’agit d’une victoire incroyable, non seulement pour les personnes qui dépendent de ces médicaments pour vivre et bien vivre, mais aussi pour tous(toutes) ceux(celles) qui ont contribué à cet effort de plusieurs décennies pour obtenir l’assurance-médicaments.

Ce n’est pas qu’un mince exploit qu’ensemble, nous ayons résisté à l’incroyable pouvoir des industries pharmaceutique et de l’assurance pour obtenir ce régime.

L’année dernière, à la même époque, les choses étaient moins prometteuses. Les lobbyistes des industries pharmaceutique et de l’assurance rencontraient Santé Canada trois ou quatre fois par semaines faisant valoir leur opposition à un régime public universel. The Breach a montré que le ministre de la Santé de l’époque avait retardé la réforme du prix des médicaments en raison de l’ingérence des lobbyistes de l’industrie. Plusieurs membres du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés ont démissionné en raison de l’influence excessive de l’industrie sur les décisions de Santé Canada. 

l y a quelques semaines encore, la situation sur le front de l’assurance-médicaments n’était pas brillante. En décembre et janvier, le gouvernement libéral s’est montré favorable à unrégime pour combler les lacunes qui ne couvrirait pas l’ensemble de la population canadienne. Il s’agit là d’une véritable démonstration que les efforts collectifs et les campagnes ciblées peuvent venir à bout du degré parfois débilitant de contrôle exercé par les entreprises sur des choses qui devraient être gérées démocratiquement.

Face à ces obstacles incroyables, notre travail collectif pour repousser le lobby des entreprises et exiger de nos élu(e)s qu’ils(elles) agissent en notre faveur a porté fruit ! Cela change la donne pour le prochain combat. Nous savons que nos mouvements sont puissants et peuvent apporter des changements. Si ce régime d’assurance-médicaments peut être pleinement mis en œuvre, il réduira les profits de l’industrie au Canada en abaissant le prix exorbitant des médicaments et des assurances. Avec moins d’argent en main, les lobbies de l’industrie s’affaibliront au fil du temps.

Profitons de cette victoire pour nous encourager dans la prochaine phase du travail visant à garantir l’accès aux médicaments pour tous(toutes) au Canada.


Les sociétés pharmaceutiques et d’assurance disposent de milliard, mais pas nous.


Pouvez-vous nous aider à financer les prochaines étapes de cette lutte afin que nous puissions obtenir le régime d’assurance-médicaments le plus solide possible? Le Conseil des Canadiens est financé indépendamment par des gens comme vous. Nous n’acceptons pas d’argent du gouvernement ou des entreprises, ce qui nous permet de conserver l’indépendance dont nous avons besoin pour mener des campagnes efficaces comme celle-ci.


Nikolas Barry-Shaw

Nikolas Barry-Shaw

Nikolas est chargé de campagne sur l’assurance-médicaments au Conseil des Canadiens.