Tandis que le Canada se joint aux États-Unis pour demander au Mexique de mettre un terme à son projet d’élimination du maïs génétiquement modifié (GM) destiné à la consommation humaine, une collaboration par trop étroite entre les ministères du gouvernement fédéral et l’industrie de la biotechnologie a été mise à nu. De récentes enquêtes médiatiques ont mis au jour une série de courriels montrant que CropLife Canada, un groupe de pression de l’industrie de la biotechnologie et des pesticides, a joué un rôle déterminant dans la décision du Canada visant à ne plus réglementer plusieurs OGM (organismes génétiquement modifiés) à venir.
Selon des documents reçus dans le cadre de l’accès à l’information, des ministères fédéraux ont collaboré avec CropLife Canada pour élaborer de nouvelles orientations réglementaires sur les aliments et les cultures issus du génie génétique au sein d’un comité appelé « Tiger Team ». Ces nouvelles orientations suppriment les évaluations gouvernementales de la sécurité de nombreux nouveaux OGM génétiquement modifiés et permettent aux entreprises de mettre sur le marché ces OGM non réglementés sans en informer le gouvernement.
Cette nouvelle décision réglementaire qui autorise la vente d’OGM inconnus et non réglementés équivaut à une prise de contrôle du système alimentaire canadien par les entreprises biotechnologiques, qui contrôleront toute la science et l’information sur les nouveaux OGM. Mais, l’industrie de la biotechnologie souhaite aussi imposer ses produits sur le marché d’autres pays et le gouvernement canadien se range du côté des intérêts de ces entreprises.
Des dizaines d’organisations canadiennes, dont le Conseil des Canadiens, le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies et le Syndicat national des cultivateurs, ont demandé au gouvernement fédéral de soutenir le gouvernement mexicain dans son action visant à éliminer progressivement les importations de maïs génétiquement modifié, afin de protéger le maïs traditionnel de la contamination par le maïs génétiquement modifié. Au lieu de cela, le Canada a annoncé en août de cette année, comme le lui demandaient les exportateurs de l’agro-industrie et l’industrie de la biotechnologie, qu’il participerait en tant que tierce partie à la procédure de règlement des différends engagée par les États-Unis sous l’égide de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Il est toutefois intéressant de noter que les États-Unis et le Canada ne contestent pas le projet jumelé mexicain d’élimination progressive de l’herbicide glyphosate.
Le Mexique est l’origine et le berceau mondial de la production de maïs, où les communautés agricoles autochtones sélectionnent et partagent une grande diversité de variétés (races primitives) depuis des milliers d’années. L’avenir du maïs au Mexique est essentiel pour la souveraineté alimentaire. En fait, quelques petits agriculteurs ont déjà dû travailler dur pour éliminer la contamination antérieure par le maïs génétiquement modifié.
Le Canada n’exporte pas de maïs vers le Mexique. Mais, nos ministres de l’Agriculture et du Commerce international affirment que l’élimination progressive du maïs génétiquement modifié par le Mexique (désormais limitée aux importations de maïs blanc génétiquement modifié utilisé pour la consommation humaine au Mexique, et non de maïs jaune génétiquement modifié importé pour l’alimentation animale) a « le potentiel de perturber inutilement le commerce sur le marché nord-américain » (le 25 août 2023). Les ministres ont déclaré qu’il fallait que le Mexique autorise les OGM canadiens (le 9 juin 2023).
Toutes ces actions du gouvernement canadien visent à donner à l’industrie de la biotechnologie le contrôle de nos systèmes alimentaires.
« La contamination n’est pas un problème de plus. C’est une agression contre l’identité du Mexique et ses premiers habitants… Nous voulons nos semences et nous allons les défendre et les sauver. » – Alvaro Salgado du Center for Indigenous Missions (CENAMI), Mexique, 2004.
Rick Arnold, membre exécutif de la chapitre Northumberland du Conseil des Canadiens et du Trade Group.
Lucy Sharratt, coordonnatrice du Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB), qui rassemble 15 groupes, dont le Conseil des Canadiens, pour effectuer des recherches, surveiller et sensibiliser aux questions connexes au génie génétique dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture. Le RCAB est un projet de la plateforme partagée de MakeWay.