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Justin Trudeau, premier écologiste de façade

Cet article a d’abord été publié dans le numéro 2021 de Canadian Perspectives, le magazine annuel du Conseil des Canadiens. Pour lire d’autres articles de ce numéro, cliquez ici.

Alors que le gouvernement libéral de Justin Trudeau a promis à plusieurs reprises un « programme vert ambitieux », son bilan réel se résume à des objectifs climatiques non réalisés, à de l’écoblanchiment et à des milliards de dollars de renflouement des grandes pétrolières.

« Plan » sur le climat

À la fin de l’année dernière, le gouvernement fédéral a lancé le programme « Un environnement sain et une économie saine (ESÉS) », le qualifiant de tout premier plan national sur le climat.

Toutefois, ce plan ne prévoit pas de laisser les combustibles fossiles dans le sol ou d’organiser un déclin géré de l’industrie des combustibles fossiles. ESÉS ignore également les émissions en aval des combustibles fossiles extraits au Canada, ce qui revient à construire des mines terrestres et à les exporter dans le monde entier, pour ensuite prétendre que nous ne sommes nullement responsables lorsqu’elles explosent.

En juin, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, le Projet de loi  C-12, a été adoptée. Ce projet de loi nous rapproche un peu plus de la responsabilité climatique. Mais, il est loin d’être parfait. Il n’inclut pas la planification d’une transition juste pour les travailleurs. Il n’intègre pas non plus les peuples et les connaissances autochtones dans la planification des mesures climatiques.

Le gouvernement Trudeau a laissé passer l’occasion de prendre des mesures significatives en matière de climat dans son budget fédéral de 2021. Il s’est contenté de maintenir le statu quo, en faisant miroiter le captage et le stockage du carbone, une « solution » fausse et non avérée. Il n’a pas non plus réussi à obtenir les réductions d’émissions considérables dont nous avons besoin. Les libéraux s’étaient engagés à réduire, d’ici 2030, les émissions du Canada de 36 % par rapport aux niveaux de 2005, puis à porter cet objectif à 40-45 %.

C’est très loin du compte. Il convient de noter que les objectifs des États-Unis sont désormais de 52 %. La science nous dit que le Canada doit réduire ses émissions d’au moins 60 % d’ici 2030 et aider les autres pays à atteindre des réductions de 80 % dans le même délai. Nous devons nous doter d’un plan pour y parvenir, et ce, dès maintenant.

Écologisation du renflouement des grandes pétrolières

On ne peut pas résoudre la crise climatique en plaçant une éolienne sur un pipeline. Ce n’est pas ainsi que fonctionne la science du climat. Mais, c’est essentiellement l’approche adoptée par le gouvernement libéral. L’action climatique sous l’égide des libéraux de M. Trudeau s’est résumée à une poignée de politiques qui peuvent sembler sympathiques à première vue, mais qui, en fait, renforcent le soutien aux causes de la crise. En d’autres termes, il s’agit d’écoblanchiment.

Le gouvernement Trudeau a refusé de fermer les chantiers énergétiques l’année dernière, malgré leur double contribution aux éclosions de COVID-19 et à la crise climatique. Il a subventionné les principaux émetteurs de gaz à effet de serre comme les grandes pétrolières, le gaz fracturé hydraulique et les méga-barrages comme le site C et Muskrat Falls, qui violent les droits des Autochtones et produisent des quantités massives de méthane polluant le climat.

Le gouvernement a également créé la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC), plutôt douteuse, en affirmant qu’elle prêterait des milliards de dollars à des infrastructures publiques vertes. En réalité, la banque exige que les projets publics utilisent un modèle d’investissement en partenariat public-privé, ce qui introduit un motif de profit dans des projets qui devraient répondre à un besoin public, et elle n’a mené à bien qu’un nombre dérisoire des projets qu’elle avait promis. Pendant ce temps, depuis 2016, Exportation et développement Canada a accordé 45 milliards de dollars de subventions pour financer les combustibles fossiles, contre sept milliards de dollars pour les technologies propres.

Et, comme le dit le dicton, Justin Trudeau a acheté un pipeline.

Et maintenant?

M. Trudeau a promis une loi sur la transition équitable. Mais, elle n’a pas été étoffée jusqu’à présent au-delà d’une « consultation » de dernière minute lancée juste avant les élections. Les libéraux n’ayant pas réussi à obtenir un gouvernement majoritaire lors de l’élection surprise de cette année, nous avons l’occasion d’obtenir des mesures climatiques significatives. Mais, cela nécessitera une organisation sérieuse.

Notre mouvement doit redoubler d’efforts pour obtenir une législation de transition équitable avec du mordant, une législation qui garantisse un déclin géré de la production de combustibles fossiles, de bons emplois pour les travailleurs, des soutiens pour les communautés, un statut d’immigration complet et permanent pour tous et le respect des droits des Autochtones.

Ce que le Parlement nouvellement élu fera ou ne fera pas pour répondre à l’urgence climatique sera défini par la bataille entre les mouvements pour une transition juste et les efforts du 1 % pour détruire la planète dans la poursuite du profit.

L’issue de cette bataille dépend de nous.