Mise à jour novembre 2021
Moins de deux ans après le blocage de voies ferrées, de routes, de ports et d’autres qui ont eu lieu à la grandeur du pays en soutien aux Wet’suwet’en, la GRC militarisée a de nouveau arrêté des défenseurs des terres Wet’suwet’en qui bloquent Coastal GasLink sur leur territoire, ainsi que les partisans et les médias présents. Tout cela alors que la Colombie-Britannique est confrontée à des inondations historiques et a besoin d’une aide directe des gouvernements, y compris pour les communautés des Premières Nations touchées qui ont perdu leurs foyers à la suite des inondations.
Nous rééditons ces « Cinq choses » et nous encourageons les lecteurs à faire preuve de solidarité.
Une fois de plus, les gens de partout au pays montrent leur soutien au droit des Wet’suwet’en de choisir ce qui se passe sur leur terre ancestrale non cédée.
Coastal GasLink (un projet de TC Énergie, anciennement TransCanada) propose un pipeline de 670 kilomètres qui transporterait du gaz naturel fracturé de Dawson Creek à Kitimat, en Colombie-Britannique, où il serait traité dans une nouvelle usine de gaz naturel liquéfié sur la côte. Une partie du gazoduc traverse ces terres autochtones.
Depuis des années, les chefs héréditaires Wet’suwet’en disent « non » au projet de pipeline Coastal Gaslink (CGL). Lorsque la société s’est installée sur les terres, les chefs héréditaires lui ont demandé de partir. En réponse, la société a obtenu une injonction du tribunal et, le 6 février, des agents armés de la GRC ont expulsé par la force les chefs héréditaires de leurs propres terres, ainsi que les défenseurs du territoire Wet’suwet’en et leurs partisans.
Voici cinq choses à savoir sur la lutte des Wet’suwet’en pour leurs droits :
1. Les Nations Unies reconnaissent les droits des peuples autochtones et le Canada doit en faire autant.
Le Conseil des Canadiens soutient la souveraineté autochtone, notamment la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).
La DNUDPA clarifie les droits des peuples autochtones à un consentement libre, préalable et éclairé concernant les projets qui ont un impact sur leurs terres et leurs moyens de subsistance. Elle précise que les peuples autochtones ne seront pas expulsés de leurs terres par la force. Le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique a adopté la DNUDPA en tant que loi en novembre 2019.
Un comité de l’ONU a exhorté le gouvernement fédéral à retirer la GRC et à suspendre immédiatement les travaux sur le pipeline. La GRC a proposé de déplacer son détachement près des camps Wet’suwet’en à Houston. Mais, cela est subordonné à ce que les Wet’suwet’en autorisent CGL à poursuivre la construction du pipeline. Cela va à l’encontre de l’avis d’expulsion et ne serait pas réellement un déplacement, car Houston se trouve sur le territoire Wet’suwet’en.
2. Les chefs héréditaires Wet’suwet’en détiennent des droits et des titres sur des terres ancestrales qui ont été reconnus par les tribunaux canadiens.
Enfreindre ce droit met en péril l’intégrité de la façon dont les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique traitent les droits et les titres autochtones, à l’avenir.
En 1997, dans l’affaire Delgamuukw c. Colombie-Britannique, les tribunaux canadiens ont reconnu que les chefs héréditaires Wet’suwet’en détenaient des droits et des titres sur les terres ancestrales. Les chefs héréditaires ont passé des années à se battre pour cette reconnaissance devant les tribunaux canadiens, et l’obtention de cette reconnaissance jette les bases de leur gestion continue des terres ancestrales, conformément à ce que leur communauté fait depuis des générations. CGL doit obtenir leur consentement pour poursuivre la construction de son gazoduc.
Il convient aussi de souligner que depuis 23 ans, le gouvernement canadien n’a pas eu la main heureuse lorsqu’il s’agit de concilier ses lois et ses priorités pour respecter la décision de la Cour suprême.
La pose d’un pipeline sur ces terres modifierait de façon permanente le contexte des droits et des titres des chefs héréditaires Wet’suwet’en. Elle violerait les principes que les chefs héréditaires ont réussi à faire reconnaître, qu’ils pratiquent depuis des générations et qui leur permettent de s’occuper de la terre conformément à leurs traditions. Celles-ci priorisent la santé de la terre pour l’avenir, ce qui est important compte tenu de la crise climatique.
3. L’autorité des chefs héréditaires date d’avant celle des Conseils de bande.
Les chefs héréditaires représentent les différentes maisons qui composent la Première nation dans son ensemble. Leurs titres sont transmis de génération en génération et datent d’avant la colonisation. Selon le First Nations Drum, « la nation Wet’suwet’en est composée de cinq clans, et au sein de ceux-ci, de 13 maisons. Les cinq chefs héréditaires représentant les clans sont tous opposés au passage du gazoduc Coastal GasLink sur leur territoire, alors que le Conseil élu a donné son feu vert » (trad.)
L’article poursuit ainsi : « les chefs et le Conseil élus détiennent généralement l’autorité sur les terres de réserve et leurs infrastructures. Les chefs traditionnels supervisent les territoires et revêtent une importance cérémonielle et historique pour les Premières Nations » (trad.) Il ne s’agit pas de prendre parti, mais de reconnaître ce que la Cour suprême a décidé, à savoir que ce sont les chefs héréditaires qui ont compétence sur le territoire traditionnel Wet’suwet’en.
Les systèmes électoraux autochtones sont le résultat de l’article 74 de la Loi sur les Indiens, que le Canada a imposé aux Premières Nations. « Ils ont été conçus pour éradiquer le système héréditaire en faveur de quelque chose de plus reconnaissable pour le gouvernement occidental » (trad.), peut-on lire dans l’article.
Les chefs héréditaires et les Conseils élus œuvrent tous deux au nom de leur peuple et jouent un rôle unique. CGL a exploité les divergences d’opinion liées à ce projet en procédant sans le consentement de l’ensemble de la communauté. En se servant de l’injonction de la Colombie-Britannique, CGL mettrait à exécution cette division de façon permanente et compromettrait les mécanismes existants permettant aux peuples autochtones de donner ou de refuser leur consentement.
Les chefs Wet’suwet’en soulignent leur droit visant à protéger leur terre.
« Les chefs héréditaires Wet’suwet’en ont conservé l’usage et l’occupation de leurs terres et leur système de gouvernance héréditaire pendant des milliers d’années. Les chefs héréditaires Wet’suwet’en sont les titulaires du titre et conservent l’autorité et la compétence pour prendre des décisions concernant les terres non cédées ».
4. Il s’agit là d’un exemple clair de l’emprise des entreprises et de la manière dont elles ont le pouvoir de passer outre aux droits fondamentaux.
Les politiques gouvernementales sont alignées sur les intérêts de Coastal Gaslink, une société qui tirera profit de ce gazoduc en sacrifiant les droits des Autochtones.
En fait, l’affaiblissement permanent des droits et des titres des chefs héréditaires semble être un objectif de longue date de Coastal GasLink, comme en témoigne le fait que CGL a demandé aux chefs locaux de renoncer à ces droits à l’avenir. Le gouvernement canadien choisit de s’accrocher à son mandat colonial, en mobilisant la violence d’État par le biais de la GRC, au profit des intérêts des entreprises, au lieu d’aligner les pratiques gouvernementales pour refléter une relation de nation à nation appropriée. Les gouvernements, provinciaux et fédéral, pourraient choisir d’honorer le droit des chefs héréditaires de dire « non », de respecter leur refus du pipeline et de modifier les systèmes juridiques canadiens pour ouvrir la voie à une réconciliation substantielle et juste.
Ces événements exemplifient la façon dont les gouvernements supposent que les « intérêts canadiens » ou, dans ce cas, ceux d’une entreprise, sont prioritaires, ce qui porte atteinte aux droits et aux titres autochtones, peu importe la clarté avec laquelle ils sont reconnus par le droit canadien.
En outre, la crise climatique présage que nous devrions dire non à de nouveaux pipelines et ne pas permettre aux compagnies pétrolières et gazières de les construire. Nous devons nous éloigner des énergies polluantes, et non bâtir de nouvelles infrastructures pour les transporter. Le Conseil des Canadiens soutient depuis longtemps les personnes et les communautés désireuses de protéger leurs terres, leur eau et leur air contre les industries extractives polluantes telles que la fracturation du gaz naturel.
5. Les chefs héréditaires Wet’suwet’en et leurs partisans ont appelé à des actions pacifiques en guise de soutien à leurs préoccupations.
Les chefs héréditaires Wet’suwet’en et leurs partisans ont appelé à des actions de solidarité diverses et pacifiques, car elles augmentent considérablement la pression pour que les décideurs politiques changent leurs décisions. Le niveau d’action montre clairement que les gens ne sont plus disposés à permettre la dépossession coloniale et qu’ils soutiennent le droit des peuples autochtones à un consentement libre, préalable et éclairé, notamment la capacité de dire « non ». Les injustices historiques, y compris le déni de ces droits, doivent cesser. Pour que cela se produise, il faudra s’unir.
Ce moment s’inscrit dans l’histoire de la résistance autochtone aux actions coloniales. Il est inspirant de voir le monde entier répondre à l’appel à l’action des Wet’suwet’en. Cette situation est tendue et complexe à bien des égards. Mais, c’est aussi une façon de dire que la colonisation et la dépossession ne peuvent plus être tolérées.
Comment apporter votre soutien
Vous pouvez vous impliquer et apporter votre soutien de plusieurs façons. Si vous ne l’avez pas encore fait, écrivez à votre député, téléphonez-lui, participez à des initiatives de solidarité locales ou consultez les liens ci-dessous pour en savoir plus.
Other Resources:
RCMP still clearing Indigenous lands for corporate interests (The Breach, November 26, 2021)
On the front lines of ‘the war within Canada’s borders’ (Al Jazeera, November 25, 2021)
Canada Puts Off UN Request for Indigenous Rights Update (The Tyee, November 17, 2021)
Pipeline Standoff: Wet’suwet’en Block Effort to Tunnel under Morice River (The Tyee, October 4, 2021)
Wet’suwet’en Crisis: Whose Rule of Law? (The Tyee, Feb 14, 2020)
The Wet’suwet’en, Aboriginal Title, and the Rule of Law: An Explainer (First Peoples Law, Feb 13, 2020)
Industry, government pushed to abolish Aboriginal title at issue in Wet’suwet’en stand-off, docs reveal (The Narwhal, Feb 7, 2020)
Wet’suwet’en: Why Are Indigenous Rights Being Defined By An Energy Corporation? (Shiri Pasternak, Yellowhead Institute, Feb 7, 2020)
Corporations don’t seem to understand Indigenous jurisdiction (D.T. Cochrane, The Conversation, January 16, 2019)