Le droit de manifester est un élément important de la démocratie canadienne et du droit à la liberté d’expression.
L’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit la liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de réunion pacifique. Les manifestations sont un moyen pour les gens de s’exprimer pour ou contre les décisions prises par le gouvernement ou d’autres institutions puissantes. Tout au long de l’histoire, les gens sont descendus dans la rue pour défendre leurs convictions.
Mais, il y a de plus en plus d’exemples de criminalisation de cette liberté d’expression. Les entreprises et les grandes sociétés obtiennent des ordonnances de justice et font appel à la police, qui recourt à la force physique et procède à des arrestations pour criminaliser la dissidence et réduire au silence les manifestants.
Nous l’avons vu à Montebello, au Québec, lorsque des milliers de personnes se sont rassemblées pour protester contre le projet de Partenariat pour la sécurité et la prospérité alors que le Premier ministre de l’époque, Stephen Harper, rencontrait à huis clos ses homologues américains et mexicains. Nous l’avons vu en 2010 lors des manifestations du G20 à Toronto, où la police anti-émeute a fait usage d’une force physique excessive pour rassembler et arrêter les manifestants. (Il convient de noter que le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, était le chef de la police de Toronto à cette époque). Les peuples autochtones ont également été confrontés à la force policière lorsqu’ils se rassemblaient pour protéger les terres et les eaux.
En ce moment, les chefs héréditaires des Wet’suwet’en et les défenseurs des terres protègent leur territoire non cédé contre la construction du gazoduc Coastal GasLink qui, s’il est construit, enverra du gaz fracturé vers un terminal situé sur les rives côtières. Les membres de la Première nation ont le droit de dire non au développement, en particulier lorsqu’il fait peser la menace d’un déversement qui pourrait causer de graves dommages environnementaux aux terres et à l’eau. Les Wet’suwet’en ont un campement et des bâtiments dans la région. Ils s’adonnent à la chasse et au piégeage des animaux et ils vivent de la terre, occupant paisiblement leur territoire.
La GRC a récemment établi un périmètre et semble se préparer à exécuter une injonction du tribunal pour expulser ces peuples autochtones de leurs terres. Il y a un an, des agents de la GRC les ont violemment affrontés au même endroit et on craint que cela ne se reproduise.
Cette semaine à Regina, des militants syndicaux d’Unifor qui ont mis en place un piquet pacifique et légal devant le complexe de la raffinerie Co-op ont été confrontés à des dizaines de policiers du service de police de Regina. La vidéo de la confrontation montre la police en train d’expulser de force les manifestants. On rapporte également qu’un manifestant a été frappé alors que la police déplaçait un véhicule. Quatorze personnes ont été arrêtées, dont le président d’Unifor, Jerry Dias.
Il a été récemment révélé que l’action policière a eu lieu le jour même où le service de police de Regina a reçu une lettre du chef de l’entreprise de camionnage locale appelant à l’action.
« Je fais du piquetage depuis plus de 40 ans et le rôle commun de la police est de veiller à ce que la situation ne dégénère pas », a déclaré M. Dias le lendemain de son arrestation. « Ce n’est pas ce qui s’est passé hier soir. En fait, dès que la police est arrivée, il est devenu apparent que le seul but de sa présence était d’aggraver la situation et c’est ce qu’elle a fait ».
Il a ajouté que davantage de membres d’Unifor et de militants d’autres syndicats se joindront à la ligne de front pour défendre le droit de négociation des travailleurs. Co-op, une entreprise qui réalise des profits de trois millions de dollars chaque jour, a mis en lock-out les travailleurs des raffineries après qu’ils aient refusé d’accepter des réductions de leur régime de retraite. Unifor s’est engagé à empêcher Co-op de poursuivre ses opérations à la raffinerie et a mis en place un piquet pour bloquer l’entrée. L’entreprise continue de faire venir les briseurs de grèves et les gestionnaires par hélicoptère.
« Depuis les arrestations d’hier soir, nos membres viennent en masse de partout au pays pour se rendre ici à Regina. Ils ne resteront pas les bras croisés à regarder la police intimider et bousculer nos membres », de dire M. Dias lors d’une entrevue avec les médias.
Selon le Regina Leader-Post, le ministre des Relations de travail, Don Morgan, a déclaré dans un communiqué qu’il s’était entretenu avec les deux parties au conflit de travail pour leur faire savoir que le gouvernement estime que « les meilleurs accords sont ceux qui sont conclus par la négociation ». Unifor s’est dit prêt à reprendre les pourparlers. Il en va autrement de l’entreprise.
« Alors que notre gouvernement est préoccupé par les tactiques de plus en plus agressives utilisées dans ce conflit de travail, nous sommes encouragés par la diligence du service de police de Regina à faire respecter la loi et à maintenir la paix », a déclaré le ministre Morgan, donnant l’approbation tacite du gouvernement pour les actions de force de la police.
Le Conseil des Canadiens s’inquiète de la tendance croissante au recours à la force policière pour perturber des manifestations pacifiques ou procéder à des arrestations. Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. Les travailleurs ont le droit de protéger leurs emplois et leurs avantages sociaux, de régler les différends à la table de négociation et lorsque cela ne fonctionne pas, de déclencher la grève (ou dans le cas des travailleurs de Regina de manifester contre le fait qu’ils soient mis en lock-out). Partout au pays, les citoyens ont le droit de descendre dans la rue pour dénoncer les actions ou l’inaction de nos gouvernements et autres détenteurs du pouvoir.
Notre démocratie est en danger si notre droit de manifester pacifiquement nous est retiré.