La Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité (Projet de loi C-12) a été adoptée ! Ce Projet de loi historique, la première loi canadienne de ce genre, a été adopté par la Chambre et le Sénat juste avant que les législateurs ne prennent leurs vacances estivales. Bien que le Projet de loi ne soit pas parfait, il s’agit d’un pas en avant vers la responsabilisation en matière de climat qui a nécessité des années de travail.
L’objectif du Projet de loi C-12 est de créer un cadre clair pour l’action climatique, ainsi que des mécanismes permettant de tenir le gouvernement fédéral responsable des objectifs climatiques qu’il fixe afin que le Canada puisse véritablement réduire ses émissions. Lorsqu’il a été déposé pour la première fois en novembre 2020, ce Projet de loi était loin d’être parfait. Ce n’est que grâce à des mois et des années d’efforts et d’organisation par une foule d’organismes climatiques et autochtones que certains principaux changements ont été apportés au cours du processus législatif.
Néanmoins, l’adoption de ce Projet de loi n’est en aucun cas une solution miracle. Bien qu’il fasse pencher la balance vers une action climatique plus sérieuse, nous aurons encore besoin de mouvements forts pour proposer de nouvelles solutions et pour inciter les gouvernements à effectuer des changements politiques de grande envergure.
Ce blogue se penche sur le Projet de loi afin de déterminer ce qui est bon, ce qui ne l’est pas assez et s’il a le potentiel d’atteindre les objectifs de transparence et de responsabilité.
Au début
La première loi sur la responsabilité en matière de climat a été déposée au Canada en 2008 par feu Jack Layton, chef du NPD à l’époque. Elle a été sabordée lorsque l’ancien premier ministre Stephen Harper a déclenché des élections alors que le Projet de loi était encore en lecture au Sénat. Cette histoire ressemble étrangement à la situation politique qui a entouré le Projet de loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité de cette année. Le risque que les libéraux déclenchent des élections a exercé une pression énorme sur son adoption avant les vacances d’été.
Lorsque le Projet de loi C-12 a été déposé pour la première fois l’an dernier, nous avons évoqué cinq changements majeurs nécessaires pour renforcer la législation :
- S’assurer que le conseil consultatif est exempt de représentants de l’industrie des combustibles fossiles.
- Prévoir un objectif de réduction des émissions en 2025 plutôt que de fixer le premier objectif en 2030.
- Prévoir la réduction progressive de l’utilisation et de l’extraction des combustibles fossiles dans tous les plans d’action climatique découlant du Projet de loi.
- Prévoir un plan de juste transition pour les travailleurs.
- Cadrer de manière significative les peuples et les connaissances autochtones dans la planification de l’action climatique.
Plus tôt cette année, nous avons remporté notre première victoire. Le gouvernement fédéral a annoncé la mise sur pied de son comité consultatif sur le climat et aucun de ses membres n’avait de liens immédiats avec le lobby des combustibles fossiles, bien que certains d’entre eux aient travaillé dans le secteur du pétrole et du gaz dans le passé, que d’autres soient des partisans de l’hydrogène bleu (hydrogène fabriqué à partir de gaz naturel) et qu’un autre soit un champion de l’énergie nucléaire.
Que contient le Projet de loi
Un certain nombre de changements ont été apportés à la version finale du Projet de loi grâce à la coordination à long terme des mouvements sociaux pour faire de la justice climatique une question à laquelle les partis politiques sont obligés de s’attaquer, à l’intense travail de plaidoyer des organisations environnementales et de droit du climat au cours des derniers mois, et aux actions des principaux membres du comité.
Voici quelques principales caractéristiques du Projet de loi final :
- Alors que le Projet de loi initial avait fixé son premier objectif d’émissions en 2030, il y a maintenant un « objectif » d’émissions pour 2026, bien qu’il ne s’agisse pas d’une « cible ». Une « cible » sous-entend que le ministre élabore un plan pour l’atteindre. On ne peut pas en dire autant d’un « objectif ».
- Exigence de rapports plus fréquents par rapport à ce qui était prévu dans le Projet de loi initial.
- Le Projet de loi exige du ministre qu’il tienne compte d’une série de facteurs pertinents, y compris la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, lors de la mise au point des plans d’action.
- Il n’y a pas d’obligation claire pour le ministre d’atteindre des cibles. Le Projet de loi exige plutôt que celui-ci élabore des plans pour atteindre la cible. Qui plus est, le Projet de loi semble vérifier si un plan donné est opportun et crédible, et non s’il est effectivement réalisé.
Les provinces ne sont pas assujetties à des cibles spécifiques, seul le gouvernement fédéral l’est. Cependant, la collecte de données sur les émissions exigée par ce Projet de loi nous permettrait de voir l’origine des émissions de manière plus détaillée, de sorte que nous saurions au moins si les provinces ne sont pas à la hauteur de la crise climatique.
- Il n’y a aucune limite au « net » dans « net zéro ». En d’autres termes, il n’y a pas de limite à l’ampleur des réductions d’émissions qui peuvent être réalisées par le biais de compensations de carbone par opposition à des réductions réelles. La réduction de nos émissions nettes n’est pas toujours synonyme de réduction des émissions réelles. Cette vidéo quelque peu insolente explique le caractère fallacieux de nombreux programmes de compensation carbone.
La dernière version du Projet de loi est près de satisfaire les cinq changements que nous souhaitions voir. Mais, elle n’atteint pas tout à fait le but recherché. Voici un aperçu de ce qui manque encore :
- Le Projet de loi a un « objectif » pour 2026. Mais, il ne prévoit pas de cible pour 2025. Il n’est pas clair si un « objectif » comporte les mêmes mesures de responsabilisation qu’une « cible ».
- Les plans d’action climatique découlant de ce Projet de loi ne prévoient pas la réduction progressive de l’extraction et de l’utilisation des combustibles fossiles.
- Le Projet de loi ne prévoit pas de plan de juste transition pour les travailleurs.
- Bien que le Projet de loi reconnaisse la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il ne cadre pas les peuples et les connaissances autochtones dans la planification de l’action climatique.
Est-ce mieux que rien?
L’objectif de cette loi est de doter le public d’un outil lui permettant de tenir le gouvernement imputable de nos objectifs climatiques. Jusqu’à présent, le Canada n’a pas réussi à atteindre tous les objectifs climatiques fixés et le temps manque. Il nous faut une loi pour tenir les ministres légalement responsables de l’atteinte des cibles d’émissions. La Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité comprend certaines mesures de responsabilisation, mais pas les mesures fortes que nous avions espérées.
Cependant, ce n’est qu’un Projet de loi dans une constellation de politiques et d’initiatives qui peuvent aboutir à de réelles réductions d’émissions et à une juste transition pour les Canadiens. C’est un Projet de loi important, mais pas le seul dont nous avons besoin.
Ce Projet de loi est-il mieux que rien? Un pas dans la bonne direction, tout en reconnaissant que d’autres lois, d’autres politiques et d’autres efforts seront encore nécessaires, même après son adoption? Ou bien inscrira-t-il dans la loi une approche insuffisante à la crise climatique, rendant plus difficile l’adoption des mesures plus ambitieuses et plus efficaces qui sont nécessaires ? Le temps nous le dira.
Nous avons besoin d’une bonne législation et pour l’obtenir, il nous faut des mouvements puissants.
Parallèlement à la législation, la responsabilité peut et doit également provenir des mouvements sociaux. Les élus ne prendront les mesures qui s’imposent que si nous sommes déterminés à leur demander des comptes. Nous devons renforcer le pouvoir de nos mouvements afin de faire évoluer les politiques et d’exiger des gouvernements qu’ils agissent et rendent des comptes.
Le Conseil des Canadiens soutient les campagnes locales pour un changement transformateur par le biais de son projet « Nouveau pacte vert pour les collectivités ». Nous apportons un soutien direct aux campagnes locales, nous mettons en relation les organisateurs à distance pour partager les compétences et les leçons apprises, et nous racontons l’histoire du genre de Nouveau pacte vert que ce réseau tente de créer.