Le développement du transport en commun est un élément essentiel de la réalisation des objectifs environnementaux du Canada. Dans toutes les grandes villes, il est prévu de mettre à disposition des résidents un meilleur accès au transport en commun afin de modifier les habitudes de navettage et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’essor de ces services peut se traduire par de bons emplois dans la construction de lignes de transport en commun et de véhicules, ainsi que dans l’entretien de cette infrastructure et la gestion des opérations au quotidien.
Une série de rapports embarrassants sur les contrats de « partenariat public-privé » (PPP) ont toutefois mis en évidence la façon dont le transport en commun passe d’un bien public à une source de revenus pour les grandes entreprises. La dernière surprise en date concerne la décision du gouvernement ontarien visant à réduire discrètement le contenu canadien des véhicules de la célèbre ligne Ontario de Doug Ford à Toronto de 25 % à seulement 10 %. Cela a permis à un consortium dirigé par le conglomérat japonais Hitachi de remporter le projet de neuf milliards de dollars, qui comprend un contrat de 2,3 milliards de dollars pour les véhicules légers sur rail d’Hitachi, dont aucun ne sera construit au Canada.
Le modèle PPP est passé de projets de construction de base à des contrats complexes de 30 ans pour construire, financer, exploiter et entretenir de nouvelles lignes. Nul ne peut vraiment prédire ce que seront les coûts d’entretien dans 30 ans, de sorte qu’une ample marge de profit est intégrée à chaque contrat. Même avec ce coussin, les entreprises redemandent sans cesse plus de fonds public. Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il utiliserait une structure de PPP pour son nouveau projet de train de voyageurs à haute fréquence entre Windsor et la ville de Québec, ce qui pourrait menacer la viabilité de la société publique VIA Rail.
Le Canada possède des usines de fabrication, notamment une main-d’œuvre hautement qualifiée qui construit des véhicules de transport en commun de grande qualité, allant d’autobus aux véhicules légers sur rail, sans oublier les wagons de métro. Pendant des décennies, les marchés publics ont servi l’industrie et les emplois canadiens. Avec le libre-échange, plusieurs règles en matière d’approvisionnement ont été modifiées. Mais, les États-Unis ont farouchement défendu leur politique « Achetez américain » pour les véhicules de transport en commun. La grande différence est que les règles américaines stipulent que 70 % des pièces proviennent des États-Unis, ainsi que l’assemblage final. Ces dernières années, la société New Flyer Industries de Winnipeg a transféré la finition de tous ses autobus aux États-Unis. VIA Rail vient de confier la production de 32 nouvelles rames à Siemens, un contrat d’une valeur de 989 millions de dollars qui a également été attribué aux États-Unis.
L’impact est réel. La fabrication de véhicules ferroviaires a été l’une des plus importantes sources de bons emplois à Thunder Bay. L’usine de fabrication et d’assemblage, que Bombardier a vendu à la multinationale française Alstom, emploie 1 300 personnes en période de grande production. Une autre vingtaine d’entreprises ontariennes fournissent des pièces.
Quant à Dominic Pasqualino, président de la section locale 1075 d’Unifor, qui représente les travailleurs d’Alstom, la nouvelle de la perte de la ligne ontarienne va à l’encontre de la rhétorique de Doug Ford selon laquelle « l’Ontario est ouvert aux affaires ». « C’est tout simplement dévastateur. Doug Ford et son gouvernement nous ont beaucoup promis. La première fois que j’ai discuté avec Doug Ford, 800 personnes travaillaient dans l’usine. Nous n’en comptons plus que 150 ».
Le geste des conservateurs ne devrait pas surprendre. En 2005, lorsque Toronto négociait avec Bombardier pour remplacer ses wagons de métro vieillissants, les conseillers municipaux conservateurs ont attaqué l’approche de la Toronto Transit Commission (TTC) et ont exigé que des appels d’offres soient lancés auprès d’entreprises ayant l’intention de délocaliser la production pour réduire les coûts. Le mouvement syndical a répondu par une campagne intitulée « Made in Canada Matters ». En bout de ligne, la TTC et le conseil municipal ont voté pour défendre les emplois canadiens.
Il aura fallu mener un autre combat pour établir une norme provinciale à 25 % de contenu canadien, même si elle aurait pu facilement être plus élevée. Les travailleurs de Thunder Bay comptent sur la prochaine commande importante de wagons de métro, avec le maintien de cette norme par la TTC, pour ramener des emplois dans leur communauté. Les Canadiens sont favorables à la transition vers une économie verte. Mais, ils craignent que des emplois soient déplacés. La meilleure façon de rallier la population à l’action climatique est de lui montrer des résultats tangibles qui améliorent la vie. Compte tenu des défis constants auxquels sont confrontées nos chaînes d’approvisionnement, il appert que la production d’articles dans ce pays est un élément essentiel de notre durabilité économique à long terme.
Depuis plusieurs années, le Canada n’a pas de stratégie industrielle solide. Il n’y a pas de meilleur moment que maintenant pour en élaborer une. À mesure que nous abandonnerons les combustibles fossiles pour nos véhicules et que nous rénoverons nos maisons, nos écoles et nos lieux de travail, la demande d’articles manufacturés de pointe, dont des millions de thermopompes, sera immense. La question est de savoir où elles seront construites.
Nous ne devrions pas avoir à subventionner des entreprises riches avec des deniers publics pour qu’elles implantent leur production ici. La politique publique doit fixer des objectifs clairs et créer des pôles de recherche, de conception et de production pour l’économie verte. Beaucoup de bons emplois peuvent être créés dans cette économie plus propre, si notre pays prend cette décision. Pour ce faire, il faudra une volonté politique, c’est-à-dire défendre les communautés et faire passer les gens et la planète avant le profit. À chaque fois.
John Cartwright a été élu président du Conseil des Canadiens lors de l’assemblée annuelle des membres tenue en juin 2019. Il est le président sortant du Conseil du travail de la région de Toronto et York, qui représente 200 000 syndiqués qui œuvrent dans tous les secteurs de l’économie.
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