Le Dr Banting rêvait d’un monde où l’insuline serait disponible pour tous(toutes). Mais, les sociétés pharmaceutiques ont fait de ce rêve un cauchemar.
Publié à l’origine par le Toronto Star, le 25 octobre 2023.
Par Rebecca Redmond et Nikolas Barry Shaw
Les Canadien(ne)s célèbrent le Dr Frederick Banting en tant que scientifique pionnier qui a découvert l’insuline. Je (Rebecca) le connais comme le parent qui m’a sauvé la vie. En tant que cousine éloignée, je partage notre fierté nationale à l’égard du Dr Banting. En tant que diabétique de type 1 depuis près de 25 ans, je ne serais pas en vie sans sa découverte révolutionnaire.
Mercredi, à l’occasion du centième anniversaire de son prix Nobel pour avoir codécouvert l’insuline, nous nous languissons de l’époque révolue à laquelle il appartenait, une ère précédant l’essor des grandes sociétés pharmaceutiques, le triomphe des droits de brevet sur les besoins des patient(e)s et la commercialisation éhontée de médicaments vitaux comme l’insuline.
La réalité d’un(e) patient(e) qui se démène pour payer des factures de soins de santé écrasantes, une lutte commune à plusieurs Canadien(ne)s, contraste fortement avec les principes défendus par le Dr Banting il y a de cela un siècle. En tant que médecin lié par le serment d’Hippocrate, il estimait qu’il n’était pas normal de tirer profit de médicaments vitaux dont d’autres avaient besoin pour survivre, et il a fait la célèbre déclaration suivante : « L’insuline ne m’appartient pas, elle appartient au monde ».
Au lieu d’apposer son nom sur un brevet, le Dr Banting a fait breveter l’insuline sous le nom de ses co-inventeurs, qui ont ensuite vendu les droits à l’Université de Toronto pour la somme symbolique d’un dollar. Ils rêvaient d’un monde où l’insuline serait disponible pour tous(toutes).
Mais, les sociétés pharmaceutiques, qui ont peu après obtenu les droits commerciaux pour produire et distribuer le médicament en masse, ont fait de ce rêve un cauchemar.
Aujourd’hui, l’insuline n’a jamais été aussi peu dispendieuse et aussi facile à produire. Mais, le cadeau du Dr Banting au monde reste hors de portée pour beaucoup, y compris au Canada.
Trois fabricants seulement, à savoir Eli Lilly, Novo Nordisk et Sanofi, contrôlent près de 90 % du marché mondial de l’insuline, facturant des prix excessifs qui obligent les habitant(e)s de plusieurs pays à sauter des doses de ce médicament vital.
Aux États-Unis, où les profits des grandes sociétés pharmaceutiques ne sont pas contrôlés par un système de santé à but lucratif, les diabétiques non assuré(e)s peuvent payer jusqu’à 300 $ pour une seule fiole d’insuline.
Même ici au Canada, les coûts de la vie avec le diabète peuvent être astronomiques. En l’absence d’un régime national d’assurance-médicaments public, ce sont nos cartes de crédit, et non nos cartes d’assurance-maladie, qui décident de notre sort.
Pour les personnes qui vivent avec un diabète de type 1 et qui ne bénéficient pas d’une assurance-médicaments sur leur lieu de travail, les frais à débourser peuvent atteindre 18 306 $ par an. De plus, les critères d’admissibilité au remboursement par les régimes publics varient considérablement d’une province et d’un territoire à l’autre.
Même les personnes qui ont la chance de bénéficier d’une assurance sur leur lieu de travail doivent débourser chaque année des milliers de dollars pour des médicaments, des fournitures et des dispositifs vitaux.
Chaque année, des centaines de décès prématurés surviennent parmi les Canadien(ne)s atteint(e)s de diabète qui sautent ou allongent leurs doses en raison du coût. D’autres souffrent de complications telles que l’amputation, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et l’insuffisance rénale.
Si le Dr Banting était encore en vie aujourd’hui, nous ne doutons pas qu’il serait dévasté par cette réalité.
Un régime national d’assurance-médicaments public à guichet unique au Canada parachèverait enfin l’œuvre inachevée de l’assurance-maladie et nous donnerait accès aux médicaments en fonction de nos besoins et non de notre capacité à payer.
Pendant des années, les libéraux fédéraux ont suscité l’espoir et les attentes des patient(e)s désespéré(e)s en brandissant la notion d’un régime national d’assurance-médicaments. Mais, cette promesse a été longtemps retardée, même après que plusieurs commissions, études et rapports d’expert(e)s aient presque unanimement soutenu la mise en œuvre d’un régime d’assurance-médicaments public, universel et complet.
Comme on pouvait s’y attendre, les industries pharmaceutiques et les compagnies d’assurance se sont opposées à un tel régime. Elles préfèrent que nous ajoutions quelques pansements insuffisants à notre système disparate actuel, afin que les prix des médicaments restent élevés.
Le Dr Banting et ses collègues n’ont pas découvert l’insuline pour enrichir de façon obscène les dirigeant(e)s de quelques géants pharmaceutiques. Ils l’ont fait pour offrir un cadeau au monde.
Nous avons l’occasion qui ne se présente qu’une fois par génération de créer un régime public national d’assurance-médicaments qui élargirait considérablement l’accès aux médicaments pour tous(toutes). Alors que nous célébrons le centième anniversaire du prix Nobel du Dr Banting, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour offrir aux Canadien(ne)s le cadeau d’un régime public d’assurance-médicaments
Rebecca Redmond est une diabétique de type 1 et une défenseure des droits des patient(e)s. Elle vit à London, en Ontario. Nikolas Barry-Shaw est chargé de campagne sur l’assurance-médicaments au Conseil des Canadiens.
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